Le Père Noël :
Un expert en reverse logistique ?

Fabien Pucheu & Elsa Beauvy  |  15 décembre 2020

Ce Noël n’est pas un Noël comme les autres pour le monde de la logistique. Alors que l’e-commerce grimpait de 13% en moyenne annuelle sur les quatre dernières années, le coronavirus a été un véritable catalyseur de son explosion. Depuis le premier confinement, ce taux de croissance est passé à près de 45% ! (source Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance))

Face à cette augmentation du nombre d’achats à distance, plus impulsifs et moins réfléchis, espérons donc que le Père Noël sache répondre à ces quelques questions : qu’est-ce que la reverse logistique ? Se limite-t-elle au retour des produits de clients insatisfaits ? Quels sont les enjeux stratégiques d’une gestion avancée de sa reverse logistique ? Quels en sont les facteurs clés de succès ?

Tout d’abord, qu’est-ce que la reverse logistique ?

La reverse logistics se traduit littéralement par logistique inverse. Elle se définit par la gestion et l’optimisation des flux en provenance du client final vers son fournisseur : une véritable Supply Chain inversée. Cela passe évidemment par le biais d’outils et de processus robustes.

L’objectif de la logistique inverse est de prolonger et améliorer l’expérience client avec son produit et est donc un facteur clé de satisfaction globale. Elle renforce l’interaction entre le client et son fournisseur et se présente sous 3 formes majeures, définies selon le cycle de vie du produit :

  • Les retours de clients insatisfaits
  • Le service après-vente
  • Le recyclage et les activités de reconditionnement
Les 3 types de reverse logistic

Les gestion des retours de clients insatisfaits à l’achat

Plus qu’une obligation, une nécessité pour fidéliser ses clients B2C.

Cadeaux hasardeux, tailles, coloris, matières non satisfaisants ou bien erreur de commande : les raisons pour lesquelles un consommateur en viendrait à retourner un produit neuf sont nombreuses.

Quelques chiffres illustrent d’ailleurs la nécessité de savoir maitriser les retours clients :

·       41% des consommateurs achètent plus d’articles que nécessaire, sachant d’avance qu’ils vont en retourner certains (Metapack, 2018).

·       56% des acheteurs choisissent délibérément plusieurs versions d’un même produit dans le but de gagner du temps en cabine d’essayage (Narvar, 2019).

 

Au-delà de l’obligation légale sur le droit de rétractation légiféré dans l’article L221 du code de la consommation, laisser au consommateur la liberté de pouvoir retourner un produit acheté est un vrai besoin auquel les entreprises doivent pouvoir répondre. Il a d’ailleurs été prouvé (Klarna, 2019) qu’une bonne gestion des retours améliore la fidélité et augmente la fréquence d’achats et le montant du panier moyen. 

Le service après-vente (SAV)

Améliorer la satisfaction de ses clients ainsi que la qualité de ses produits

Le SAV est au cœur de la logistique inverse. A titre d’exemple, les entreprises industrielles qui vendent des machines (appareils électroniques, électroménagers, équipements médicaux, …) doivent être en mesure de proposer un service client adapté à la complexité de leurs produits : service de mise en fonctionnement, de maintenance, de réparation, etc.

Ainsi, la capacité d’une entreprise à maitriser son SAV a des impacts directs sur, notamment :

  • La satisfaction client : 97% des consommateurs considèrent la qualité du service client comme un critère différenciant dans le choix d’une marque.
  • La qualité de ses produits grâce à l’investigation des produits défaillants rendue possible en usine via les flux de retours

La gestion de la fin de vie

Réduire ses coûts, protéger la planète et prolonger le cycle de vie produit

Les retours, les rejets et les matières dérivées des activités de conception de transport et de distribution de la marchandise, étaient, la plupart du temps, éliminés ou ignorés. Les impacts environnementaux et les problèmes liés à la protection de l’environnement ainsi générés ont incité les entreprises à changer de comportement. De fait, la capacité à prendre en charge la gestion des retours de marchandises et à gérer le recyclage de celles-ci est devenu un vrai enjeu industriel et sociétal.

Le recyclage des marchandises usagées et, plus généralement, les retours des produits en fin de vie présentent des enjeux forts pour les entreprises :

  • Réduire les coûts de fabrication liés à l’achat de matière via la réutilisation des matériaux en bon état de marche pour les réinjecter dans la production des lots suivants et ainsi, réduire la consommation d’énergie.
  • Adresser de nouveaux marchés grâce aux produits reconditionnés issus de marchandise en fin de vie, à qui l’on redonne de la valeur à moindre coût.

Les avantages d’une reverse logistique maitrisée

La mise en place d’un logistique inverse robuste offre donc de nombreux avantages aux entreprises, qui peuvent se définir en 5 catégories :

  • Réduire l’impact environnemental. La réinjection de produits finis ou semi-finis dans les processus de production limite l’utilisation de matières premières vierges et génère ainsi une baisse de la consommation d’énergie. Cela a un impact direct sur la rentabilité et, plus globalement, sur la société.
  • Créer de nouveaux marchés en redonnant de la valeur économiques à des produits en fin de vie et proposer des solutions innovantes pour réutiliser des matériaux usagés. De nombreux exemples émergent dans notre quotidien, comme l’achat d’un Smartphone reconditionné à moindre prix, ou le fait de se rendre dans un outlet spécialisé dans la vente des vêtements d’anciennes collections ou comprenant des petits défauts, pour trouver son bonheur à un prix très inférieur au prix du neuf.
  • Améliorer l’image de l’entreprise et la satisfaction du client.La mise en place d’une logistique inverse peut non seulement limiter les sources d’insatisfaction, mais surtout améliorer la satisfaction client. De fait, la maitrise de la Reverse Logistique offre un fort avantage compétitif aux entreprises. Les consommateurs expriment d’ailleurs un intérêt croissant pour les entreprises engagées envers le respect de l’environnement.
  • Contrôler et maitriser ses stocks. La maitrise de la logistique inverse permet d’offrir une meilleure visibilité sur l’état de ses stocks et permet non seulement de réduire les stocks dormants des produits usagés, mais aussi de limiter le risque d’erreurs.
  • Réduire les coûts et augmenter les bénéfices. La somme de tous ces avantages impacte, in fine, les coûts de fabrication pour les tirer vers la baisse, mais pas seulement. Elle offre aussi la possibilité d’augmenter les bénéfices grâce à une augmentation du chiffre d’affaire : améliorer la satisfaction client, se démarquer de ses compétiteurs, adresser de nouveaux marchés.

Les facteurs clés de succès et enjeux de la reverse logistique

Processus standard de gestion d'une logistique inverse

Maitriser ses conditions de garanties et contrats de service

Une entière transparence dès l’achat du produit

Les acheteurs ont besoin d’être rassurés le plus tôt possible sur les possibilités qui s’offrent à eux en termes de retours, au même titre que les moyens de paiement. En conséquence, il est nécessaire pour l’entreprise d’avoir défini en amont ses conditions de garanties et contrats de service et de rendre facilement accessibles ces informations. L’acheteur doit ainsi avoir connaissance de tous les choix qui s’offrent à lui avant même qu’il ne se pose la question.

Des offres de service adaptées aux capacités de l’entreprise

Il arrive que les contrats de service proposés aux clients aient été établis par les services marketing ou SAV, sans forcément avoir discuté avec la Supply Chain ou la Finance en amont. Ainsi, des clients peuvent se retrouver à avoir un fort niveau d’exigence auquel il est difficile de répondre. Prenons l’exemple d’un contrat garantissant de fournir une unité de remplacement en cas de panne en moins de 12h au client. Un argument vendeur, certes, mais qui peut devenir source d’insatisfaction si un tel taux de service n’est pas atteignable en l’état, ou si les flux financiers ne sont pas proprement définis. L’alignement transversal en amont est indispensable pour atteindre un optimum global coûts / bénéfices.

Maitriser ses conditions de garanties et contrats de service

Dès lors que les différents services impliqués dans la gestion de retours se sont mis d’accord sur ce qu’il était possible de faire, le degré de flexibilité offert au client sur ses canaux de collecte est clé. Non seulement ceux-ci doivent être clairement identifiables par le client, mais ils doivent surtout être adaptés à son besoin et aux spécificités du produit.

En effet, le niveau de flexibilité à fournir à un consommateur d’une paire de chaussures peut se limiter des points Relay et des enseignes de récupération. En revanche, la récupération d’un IRM en fin de vie dans un hôpital nécessitera un transport dédié, de la documentation douanière déjà fournie par l’entreprise, des contrats de service mis à jour, etc. De fait, une coordination transverse des différents acteurs du flux est nécessaire pour améliorer l’expérience client et sa satisfaction.

Des flux et des équipes dédiées

Des flux logistiques complexes à maitriser

Les flux de retours logistiques et financiers de la logistique inverse présentent une complexité élevée car ils sont erratiques, méconnus, souvent mal tracés dans les systèmes, et font appel à de nombreux acteurs. Il est donc important de les identifier et de créer des flux dédiés et maitrisés, faisant appel à des processus bien définis pour que la mise en place de la logistique inverse apporte réellement de la valeur ajoutée à l’entreprise.

Pour ce faire, il est nécessaire de passer par une phase d’analyse des flux existants, dont les organisations n’ont d’ailleurs parfois pas conscience, qui peuvent s’opérer au niveau des filiales, des usines, des entrepôts.

Une dimension financière importante

La Finance est à intégrer dès le départ dans cette analyse car lorsqu’un produit a déjà été utilisé, sa valeur n’est pas la même au flux retour qu’au flux « aller ». Or, si la législation n’impose pas une valeur en tant que telle, les commissaires aux comptes doivent néanmoins pouvoir s’y retrouver en étudiant les comptes et immobilisations de l’entreprise. De fait, si les flux financiers n’ont pas été identifiés et définis selon des règles précises, la société peut subir des redressements judiciaires ou avoir à mettre en place ces règles financières dans la précipitation, avec le risque qu’elles ne soient pas adaptées aux flux.

Une attention particulière aux flux de réparation

Certaines entreprises industrielles font le choix de faire les réparations au sein d’une usine ou d’un atelier dédié. Dans ce cas-là, le contrat de service fait avec le client peut, par exemple, offrir la mise à disposition d’une unité de remplacement pendant la réparation.

Ce genre de stratégie de service implique de mettre en place une véritable Supply Chain dédiée au sein de la Reverse : gestion du stock de remplacement de produits finis et semi-finis, transport et stratégie de distribution de ces unités, taux de service, contrats de service, règles de capitalisation financière, contrôle qualité, etc.

Des processus et des ressources dédiés

Les processus de la logistique inverse sont très transverses. Les équipes impliquées ne se limitent pas à la Supply Chain qui gère le flux logistique, l’entreposage, le transport, la distribution et le planning, mais à bien d’autres :

  • La Finance pour la définition des règles financières et l’exécution des flux financiers,
  • Le Service Client en contact avec le client pour répondre à ses demandes,
  • Les Centres de Réparation et leurs problématiques de charge / capacité,
  • La Qualité pour enquêter sur les raisons des défaillances,
  • Le Marketing sur les opportunités Business à adresser un marché de seconde main, et bien d’autres.

La multiplicité de ces acteurs rend la coordination d’autant plus complexe et montre à quel point il est important d’avoir des ressources dédiées au sein de l’organisation.

La mise en place d’une cellule Logistique Inverse dédiée est donc à privilégier au sein de la Supply Chain, acteur principal du flux, mais pas seulement. Il faut également des rôles et responsabilités cross fonctionnels définis dans les services impactés, tout au long du processus, et des points de gouvernance dédiés.

Enfin, la création et le suivi de KPIs permet de mesurer le degré de maitrise de sa logistique inverse et donc, d’y apporter des améliorations.   

Une digitalisation obligatoire

Suivi du flux retour pour le client

La traçabilité du flux de retour dans les systèmes d’information est un objectif majeur car elle apporte la visibilité dont le client a besoin. Il doit être possible de suivre son retour en temps réel de bout en bout : depuis l’enlèvement de la marchandise ou expédition du colis jusqu’au remboursement effectif sur le compte bancaire du client ou à la mise en stock de l’unité usagée (à détruire / réparée / reconditionnée / …).

Pour la satisfaction client, l’enjeu est de taille car sans cela, l’acheteur n’est pas rassuré et voit son expérience client dégradée.

Synchronisation des flux

Pour l’entreprise, l’enjeu est tout aussi important. Les flux physiques doivent être alignés avec les flux informatiques et financiers. La multiplicité des acteurs concernés doit se refléter dans les outils de chacun. Or, sans une bonne synchronisation de ces flux, cet alignement est impossible. Mais sa complexité n’est pas à négliger car de nombreux systèmes d’information sont concernés :

  • L’ERP (Enterprise Resource Planning) pour la facturation, les flux financiers, le suivi de production, etc.
  • La CRM (Customer Relationship Management) pour renseigner et récupérer les informations clients et, parfois, y gérer les activités de réparation.
  • Le WMS (Warehouse Management System) pour gérer les activités de distribution et entrées et sorties de stock.
  • Les TMS (Transports Management Systems) pour suivre en temps réel l’avancée du colis.
  • La BI (Business Intelligence) permettant de consolider les données et d’en créer des KPIs.
  • Des interfaces au sein de ces différents outils pour partager les données et offrir un suivi global du retour, que ce soit pour anticiper les activités de réparation, ou celles de récupération des colis, d’entreposage, etc.

Automatisation des processus

Enfin, une fois les contrats de service établis, les canaux de collecte définis, les flux et les organisations mis en place, les outils déployés et les KPIs mesurés, il convient alors de se tourner vers l’automatisation des processus (RPA) qui a pour principal objectif d’accélérer ces flux et d’apporter de la facilité à l’utilisateur final, qu’il soit externe (le client, les fournisseurs, les sous-traitants) ou interne à l’entreprise.

Par ailleurs, la RPA apportera de la robustesse dans la gestion des données statiques et dynamiques et permettra donc de maitriser pleinement les flux et processus de logistique inverse, de bout en bout.

Ainsi, l’entreprise pourra pleinement profiter des nombreux avantages qu’offrent la Reverse Logistics.

Qui sommes nous

MACS est un cabinet de conseil spécialisé en Supply Chain, Performances des opérations et Conduite du changement. Si vous souhaitez révéler le potentiel de votre supply chain, contactez nous

Nous suivre